5 L'automne.
L'automne.
En 1881, Manet demande officiellement à Mery de poser pour “ l’Automne.” « Je ferai l’Automne, d’après Mery Laurent. Elle a consenti à se laisser faire son portrait par moi. Je suis allé lui parler de cela hier. Elle s’est fait une pelisse chez Worth. Ah ! Quelle pelisse, mon ami, d’un brun fauve avec une doublure vieil or. J’étais médusé. Et, pendant que j’admirai cette pelisse et que je lui demandais de poser, Elisa est entrée, annonçant le prince Richard de Metternich. Elle ne l’a pas reçu. Je lui en ai su gré ! Ah ! Les gêneurs ! Je l’ai quittée en lui disant : “ Quand cette pelisse sera usé, vous me la laisserez “. “ Elle me l’a promis. Cela me fera un rude fond pour des affaires que je rêve !”. Raconte-t-il à Antonin Proust
Mery ainsi que le Docteur Evans, avaient achetés plusieurs œuvres de Manet, Les Barques, Fleurs dans un verre, La Brioche. George Moore qui avait surnommé Mery toute la lyre en raison de qu’elle avait été la maîtresse de tous les grands poètes de son temps, racontait que le docteur, furieux, un soir, de rencontrer le peintre dans l’escalier.
“ Affin de se débarrasser de l’Américain, elle l’avait invité à dîner, se proposant d’alléguer ensuite une migraine, de s’excuser et de s’étendre… Ainsi fait-elle. A peine l’hôte sorti, elle enlève le peignoir qui cachait sa robe de bal, et avec son mouchoir, fait signe à Manet en faction au coin de la rue. Ils descendent ensemble, et qui rencontrent-ils dans l'escalier? Le dentiste qui avait oublié son carnet. Il fut si mortifié de rencontrer sa belle et infidèle maîtresse qu’il la bouda trois jours. »
Moore toujours, rapporte qu’un jour alors qu’elle flirtait avec Edouard Dujardin. Moore l’interrogea sur la présence encombrante du docteur Evans. - pourquoi ne renvoyez vous pas Evans ? - Ce serait vilain, je me contente de le tromper. Et elle le conduisit dans sa chambre à coucher. Moore refusa ses avances
Le peintre a maintenant son atelier 77 rue d’Amsterdam, à deux pas de la rue de Rome. Mai. Exposition au Salon Portrait de M. Pertuiset, le chasseur de lions et Portrait d’Henri Rochefort (médaille 2eme classe.) Fin Juin.14 novembre. Antonin Proust nommé ministre des Arts par Gambetta. Fin décembre. Manet est fait Chevalier de la Légion d’Honneur. Le citron.
80-81 Lettres et feuilles aquarellées. Lettre à Mery Laurent.
Portrait de M. Henri de Rochefort. L’évasion de Rochefort. 80-81Portrait d’Henri Bernstein enfant. Mon jardin ou le banc. L’automne.
Dans le jardin de la villa des Tallus qu’il peint la toile charmante et peu connue : “ La fenêtre de Mery Laurent “, où l’on voit des fleurs grimper le long des volets. Au dos de cette toile, se trouve l’inscription suivante : “ Fenêtre du cabinet de Mery Laurent, dite le Gros Oiseau, amie de François Coppée “.
Manet fenêtre Mery
Le poète, qui sait mieux que Coppée choisir ses noms d’oiseaux, appelle Mery “ le Petit Paon “. Du Gros Oiseau au Petit Paon, la jeune femme est sur le point de changer de volière. Quant à Coppée, son cœur se tourne vers l’Académie Française. Leur liaison s’estompe doucement, sans drame, comme toujours dans la vie de Mery. George Moore, qui était mauvaise langue, prétendit qu’elle avait été à Coppée pour son poème “ Le Lys “, mais qu’elle se détourna de lui le jour où il abandonna les fleurs au profit de la Nourrice et du petit épicier. Fidèle à l’artiste aussi bien qu’à l’ami, elle est présente à toutes les expositions.
Mery Laurent Petit
Mery Laurent Petit
Mery Laurent pastel Manet
Mery Laurent accoudée. Pastel H. 0.61 x L 0.50 sur la photo Lochard mentionne “ Pastel fait d’après une photographie. “ Mery vient poser pour lui. Un pastel “ Mery accoudée “ va servir pour la toile “ Un bar aux Folie Bergère “. On y voit la jeune femme accoudée sur le bord de la rampe des loges, gauche, vers le fond de la salle.
Mery Bar
L’une de ses œuvres les plus célèbres, dernière grande création, un bar aux Folies Bergères. Un bar aux Folies Bergères et Jeanne sont exposés au Salon.
Un bar des Folies Bergère (1881-1882), tableau dans lequel on voit, derrière son comptoir, une serveuse au regard absent. La force de la composition tient au miroir qui se trouve derrière le personnage féminin et dans lequel on devine l'ensemble du cabaret, avec la foule qui s'y reflète. Ce miroir permet aussi à Manet de figurer le dos de la serveuse, ainsi que, dans un coin du tableau, le visage de l'homme qui s'adresse à elle. Ce visage peut être considéré comme une image du spectateur lui-même, qui se trouve ainsi inclus de force dans le tableau. Cette présence du spectateur au sein de la représentation donne à l'œuvre un caractère singulier, résolument moderne.
En 1882, de février à juin, Manet fait encore sept pastels : Mery Laurent au carlin, à la voilette, au grand chapeau, à la toque de loutre, à la petite toque, au chapeau fleuri…plus une petite tête profilée que Mery met dans sa chambre à coucher, en face d’un “ Lion “ de Barrie posé sur un coffre-fort.
Edouard Manet Mery Laurent au carlin
Mery Laurent de profil nu-tête. Pastel signé en bas à gauche, M. H. 0.41 x L 0.37 Légué par Mery Laurent à Victor Margueritte.
Mery Laurent Portrait by Petit
Mery Laurent au carlin. Figure dans l’inventaire après décès sous le nom de “ Femme en Corsage noir tenant un Chien. “ Pastel signé en bas à droite, M. H. 0.56 x L 0.46 Exécuté dans l’atelier de la rue d’Amsterdam. Juillet octobre. Séjour à Rueil.
Portrait de Mery Laurent à la voilette
Portrait de Mery Laurent à la voilette. Pastel signé en bas à droite, Manet.
Edouard Manet Mery Laurent à la toque
Mery Laurent à la toque. Pastel signé en bas à droite, Manet H. 0.54 x L 0.34
Mery Laurent en paletot à col de fourrure. Pastel signé en bas à droite, Manet. H.0.54 x L 0.34
Manet Mery Pastel Dijon Museum
Mery Laurent au chapeau noir.
Pastel signé en bas à droite, Manet. H. 0.54 x L 0.44
Automne Manet
Mery Laurent “ L’Automne. »Huile sur toile H. 0.73 x L 0.51
La Viennoise. Portrait d’Irma Brunner. La maison de Rueil. Une allée dans le jardin de Rueil. Pomme sur une assiette. 80-82Œillets et clématites dans un vase de cristal.
En 1882, il est présent au Salon pour la dernière fois avec Un bar aux Folies Bergère,
« Mais cet homme si plein d’entrain ne pouvait supporter l’arrêt du mouvement. Il se confia à un médecin prétendant guérir les maladies nerveuses, qui fit sur lui l’essai de ses remèdes, des poisons. Il s’en trouva momentanément bien, c'est-à-dire qu’agissant comme stimulants, ils lui procuraient un retour d’activité temporaire. Il en continua indéfiniment l’usage et abusa en particulier du seigle ergoté, l’acide lysergique diéthylamide, substance hallucinogène tirée d’alcaloïdes présent dans L’ergot de seigle, qui amena un empoisonnement du sang. Un jour le bas de la jambe gauche, une partie du déjà malade et affaiblie par la paralysie, se trouva tout à fait morte. Il s’alita. La gangrène se mit dans sa jambe. L’amputation dû être pratiquée. Il était trop atteint pour pouvoir survivre. » Théodore Duret. L’ergot de seigle était connu dès le moyen âge pour provoquer le feu de la Saint Jean, il provoquait des hallucinations collectives, des démangeaisons, la gangrène. A Issenheim, l’ordre des franciscains avait commandé au peintre Altdorfer, pour décorer l’hôpital ou l’on essayait de soigner cette terrible maladie. Un retable du jugement dernier.
30 septembre. Rédige son testament désignant son épouse Suzanne comme légataire universelle et son héritier après elle, Léon Koella. Il désigne son ami Duret comme exécuteur testamentaire. Décembre janvier. Son état de santé s’aggrave.
1883
Dès le début 1883, des douleurs insupportables aux jambes l’obligent à garder le lit quatre jours sur sept.
Voici le passage sur Elisa et son portrait, paru dans la première version des Mémoires de Proust, de février à mai 1887, dans La Revue Blanche. Une seconde version, posthume, remaniée par A.Barthélémy, parut en 1913 aux éditions Renouard et Laurent.
« Madame Mery Laurent avait emmené de Nancy une femme qui était très dévouée, Elisa. Elisa avait un culte pour Manet. Il n’est rien qu’elle n’eut fait pour lui. « Je vous donnerai, lui disait Manet, votre portrait au pastel. » Manet tint sa promesse. Mais ce portrait qui est resté à l’état d’indication, a été sa dernière œuvre. Il devait l’esquisser peu de jours avant sa mort. Ce n’est pas qu’il ne fût disposé à peindre Elisa des l’année 1878, lorsqu’il était en pleine santé, mais Elisa lui faisait observer qu’il avait bien le temps, qu’il lui fallait faire mille choses plus importantes. Puis tous les jours, Elisa lui prodiguait ses recommandations : « Prenez bien garde, monsieur Manet, n’ayez pas froid. Soignez vous bien, monsieur Manet. Vous travaillez peut-être trop monsieur Manet. » Elisa aurait tout donné pour lui éviter une contrariété, un ennui. »
Les jours succédant aux jours, l’état devenait de plus en plus grave.
« A la veille de Pâques, il avait indiqué au pastel le portrait d’Elisa. Le lendemain Elisa revint à l’atelier de la rue d’Amsterdam. Manet n’y était pas venu. Il ne devait plus y reparaître. Il avait du garder la chambre dans son appartement de la rue de Saint-Pétersbourg. Le soir du jour ou il se coucha pour ne plus se relever, j’allais le voire. Devant lui étaient étalées des sucreries provenant d’un œuf de Pâques que Madame Mery Laurent lui avait fait porter par Elisa. »
Proust.
Voici la notice qui figure dans le catalogue raisonné Wildenstein sur ce pastel.
No 89 dans le catalogue raisonné Rouart Wildenstein. ELISA (non reproduit) Pastel H. 0.25 : L. 0.20 Signé par Mme Manet après la mort de Manet et daté par erreur de 1882. Bibliographie : A.Proust 1913 ; Th. Duret 1902. pastel (non reproduit) no 32 ; P. Jamot Wildenstein 1932 no 540 (non reproduit) ; A. Tabarant 1947 p. 469 no 540 (non reproduit) ; H. Mondor la vie de Mallarmé Paris 1941 p. 422 ; D. Rouart - S.Orienti 1970 no 424 (non reproduit). Il n’existe aucune photo de ce portrait mythique et le seul souvenir qui subsiste est celui de Proust, repris par Duret et Tabarant.
Théodore Duret Histoire de Edouard Manet et de son œuvre. Dans le supplément sous le numéro 32 : « - Enfin, Manet a fait un portrait au pastel, une esquisse, d’Elisa, la suivante et femme de chambre de Mery Laurent, signé par Mme Manet, dans le bas, et daté 1882 (larg., 20 cm. ; haut., 25 cm.). Tête de profil, tournée vers la gauche, coiffée d’une toque avec plumes, couvrant le front. Col blanc marin, rabattu. »
A. Tabarant Manet et ses œuvres.
« Nous avons dit que Mery Laurent faisait porter des fleurs à Manet par Elisa, sa femme de chambre. A la veille de Pâques – qui tomba cette année là, le 25 mars – comme Elisa, une fois de plus, frappait à l’atelier de la part de sa maîtresse, Manet la fit asseoir, voulut qu’elle posât pour un pastel. Et ce ne fut qu’une esquisse : 25 x 20, non signée. Elle y est de profil vers la gauche, coiffée d’une toque avec plumes, qui lui couvre le front. Elle a un col blanc rabattu. Manet se proposait de revenir sur ce crayonnage, et un passage des Souvenir d’Antonin Proust l’atteste. Mme Manet après la mort de son mari, le trouva piqué encore sur le chevalet. Elle avait en vive estime cette servante dévouée si sérieuse, sur qui Mery Laurent se reposait en toute confiance. Aussi lui fit-elle cadeau de ce pastel inachevé, mais non sans l’avoir signé elle-même, et daté. Daté de 1882, ce qui est à coup sur une erreur. Voici en effet, ce qu’en écrit Antonin Proust : « En 1883, à la veille de Pâques, Manet avait indiqué au pastel le portrait d’Elisa… »
« Ce visage d’Elisa, qui devait être sa toute dernière œuvre…porte à 89 le nombre total des pastels qu’il exécuta, sur toile spéciale ou sur feuilles de Hollande… ».
Duret et Tabarant se sont servi des mémoires de Proust pour leurs biographies. Y avait-il, à l’époque ou Duret et Tabarant ont rédigés leurs biographies, un portrait, ou le souvenir d’un portrait que l’on disait être celui d’Elisa, signé et faussement daté de 1882 par Mme Manet. Ce portait n’a pas été photographié par Lochard avec les divers œuvres réunies, de Manet en 1884. Proust n’indique pas les dimensions du dernier pastel de Manet, ni sa composition, il ne dit pas non plus que Mme Manet l’ait signé ou daté. Il semble tout à fait invraisemblable que Mme Manet ait signé et daté de 1882 la dernière œuvre de son mari, après l’avoir retiré elle-même du chevalet dans l’atelier.
Pastel qui recouvrait le portrait de « Mery Laurent aux Seins nus. » s’agit il d’un portrait de Elisa. Il ne s’agit certainement pas du portrait d’Elisa, par Manet, mais par un petit maître de l’époque. Ce qui est sur c’est que le portrait au pastel, comme le portrait de Mery ont été peints avant 1900, du fait des vêtements que les deux femmes portent.
Mallarme Mery Elisa
Photo de Elisa et de Mery Laurent et Stephane Mallarmé vers 1895.
Manet meurt le 30 avril 1883.
Un atelier se ferme. Une amitié prend fin. Mais pour ceux qui ont bien connu Manet, le visage de Mery restera inséparable de l’atelier de la rue d’Amsterdam.